Un vent froid et sec souffle sur le
marché des matières premières.
Des marchés entiers de métaux ou de
produits agricoles pourraient se retrouver asséchés
dans les années à
venir.
Dans les années à venir, nous allons effectivement
devoir affronter une menace d’une bien plus grande ampleur que ces
simples “accidents” météorologiques.
Nous allons devoir affronter la
planification de la pénurie.
C’est une tendance de fond des
matières premières. Les pays producteurs baissent le rideau de leur
échoppes, ferment boutique, coupent leurs exportations… en prenant le
risque de mettre le feu aux marchés internationaux.
Le phénomène
n’est pas forcément nouveau. D’ailleurs, ses raisons sont très diverses.
Le problème, c’est qu’elles sont en train de se conjuguer actuellement.
Identifions tout de suite les principaux marchés menacés.
Le
réchauffement climatique n’est plus une lubie d’Occidentaux… Ne croyez
pas que nous soyons les seuls à nous préoccuper de la disparition des
phoques en mer du Nord et de la tortue luth au Costa Rica.
Tout le
monde se sent concerné, car ces événements locaux ont des répercutions à
l’échelle internationale.
La perte de biodiversité finira
inévitablement par peser sur les marchés agricoles, en réduisant la
capacité des plantes à s’adapter à leur environnement.
Et nous pourrions évoquer l’érosion des sols, la baisse des ressources en eau…
Pourtant
si la dégradation de notre environnement est lourde de conséquences,
son impact sur les matières, notamment agricoles, n’est pas encore
clairement établi.
Comme le rappelle Sandrine Paillard, ancienne
membre de l’Inra (Institut national pour la recherche agronomique), “les
ressources disponibles (naturelles et technologies) actuelles seraient
suffisantes pour nourrir correctement les 9 milliards de personnes
attendus en 2050 [...] Cela signifie que
l’insécurité alimentaire n’est
pas due aujourd’hui à une production insuffisante mais à des problèmes
d’accès à l’alimentation”.
Ainsi le principal risque qui pèse sur les marchés de matières n’est pas environnemental, mais politique.
- Le nationalisme alimentaire
Depuis
les émeutes de la faim de 2008, les gouvernements multiplient les
dispositions pour freiner les exportations de matières agricoles.
Plusieurs outils sont à disposition tels taxes, quotas, réglementations
environnementales.
Le cas de l’Argentine est particulièrement révélateur.
Buenos
Aires est devenu récemment le champion du monde du protectionnisme.
Selon Global Trade Alert, une ONG surveillant la liberté commerciale,
l’Argentine a mis en place 192 mesures protectionnistes depuis 2002,
avec une accélération depuis 2008. Les matières ont été notamment
abondement protégées. Les exportations de maïs, de blé et de boeuf sont
notamment tombées sous la coupe réglée de la présidente Cristina
Fernández de Kirchner.
Encore plus près de nous, la lutte contre
la hausse des prix alimentaire était au coeur du projet politique du
sénégalais Macky Sall. C’est peut-être une des explications de son
écrasante victoire, à 65% contre Abdoulaye Wade.
- Le nationalisme politique
Imposer
des barrières à l’exportation peut également permettre d’assurer un
accès à une matière première à bas coût aux industriels.
Récemment, c’est le gouvernement indien qui a été tenté d’interdire unilatéralement l’exportation de coton.
Les
industriels indiens craignaient de manquer de matières premières cette
année. Or l’Inde est le deuxième producteur de coton au monde.
Si
le gouvernement a fini par reculer piteusement devant la protestation
des industriels chinois, le geste de New Delhi s’est inscrit dans l’ère
du temps.
- Le nationalisme économique
Certains
pays veulent à tout prix sortir de leur dépendance aux matières
premières. Ou plutôt s’en servir comme un tremplin pour monter en gamme.
Le cas du Brésil et de la Chine est particulièrement éclairant. Cécile
Chevré revient aujourd’hui sur ce cas emblématique d’une trop forte
spécialisation dans la Quotidienne d’Agora.
Mais un autre pays mène actuellement une politique protectionniste de montée de gamme, l’Indonésie.
Minier hier, l’Indonésie se voit déjà un grand sidérurgiste demain.
Dès
2009, Jakarta décidait de renforcer son contrôle sur les licences
accordées aux miniers. Les miniers étrangers étaient alors obligés
d’accepter une prise de participation de l’Indonésie dans leur capital.
En
février 2012, Jakarta annonçait qu’il serait impossible d’exporter du
minerai à partir de 2014 s’il n’avait pas été transformé sur place.
Enfin il y a quelques semaines, l’Indonésie a annoncé que la date butoir pourrait être avancée à cette année.
L’Indonésie
est un important producteur de bauxite (aluminium), de cuivre, de
charbon, de nickel et surtout d’étain. C’est bien pour se sortir de
cette dépendance aux métaux que l’Indonésie passe actuellement ces lois.
Le problème, c’est que les cours risquent de partir en flèche au moindre problème d’approvisionnement.
Un article de Florent Detroy, publié par matieres-premieres.fr
on fait quoi ?